Interview de

Henri Boon

Pour ceux et celles qui ne vous connaitraient pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Henri Boon, Je suis ce qu’on appelle un “enfant de la patrie”, orphelin de guerre, mon père étant décédé dans un camp de concentration. Ma mère nous a élevé, mon frère et moi, dans des conditions parfois difficiles mais c’est grâce à ce statut que la Belgique a financé mes études de médecine

J’ai été formé chez les Jésuites, où j’ai appris l’importance du service, notamment en aidant les plus démunis de la rue Haute. C’est sans doute ce qui a orienté mon choix vers des études de médecine. Je rêvais aussi de soigner les lépreux en Inde, j’ai finalement visité l’Inde mais je n’ai jamais soigné les lépreux (rires).

J’ai adoré mes études et c’est vers la psychiatrie que je me suis tourné, après avoir constaté que les patients avaient souvent plus besoin d’une aide psychologique que physique. Vers la fin de ma carrière, je me suis spécialisé dans la psychose. Ce fut passionnant. 

Je suis marié à Jeannine qui est kinésithérapeute et spécialiste de Jacobson, j’ai deux enfants et cinq petits-enfants.

Comment passe-t-on de médecin à sophrologue ?

Pour être tout à fait honnête, mon parcours a débuté avec l’hypnose avant même la médecine. En effet, dès l’âge de 12 ans, je me suis intéressé à l’hypnose et j’ai même été membre du cercle des prestidigitateurs de Belgique (rires). 

Plus tard, en pratiquant la psychiatrie, j’ai réalisé que cette spécialité se concentrait principalement sur les pathologies graves, comme la folie, ce qui est passionnant à étudier mais qu’elle ne répondait pas réellement aux besoins des personnes venues chercher de l’aide pour des problèmes plus légers. Peu à peu, je me suis spécialisé dans les problèmes psychosomatiques et c’est par ce biais que je me suis formé à la méditation, aux techniques de Schulz que j’utilisais pour aider mes patients à se détendre. 

La rencontre avec Caycedo

Un jour, je suis tombé sur le livre d’un certain Caycedo qui semblait proposer une approche similaire à la mienne. Intrigué, je lui ai écrit, pensant qu’une rencontre serait intéressante pour échanger sur nos pratiques respectives. À ma grande surprise, il m’a répondu en m’envoyant simplement un bulletin d’inscription à ses cours (rires).

Curieux, je m’y suis inscrit et c’est ainsi que j’ai fait sa connaissance. Par la suite, j’ai eu l’opportunité de donner des cours à Barcelone, aux côtés de ma femme qui y enseigna les techniques de Jacobson.    

Parlez-nous de votre vision de la sophrologie

Je suis spécialisé en phénoménologie psychiatrique, c’est-à-dire dans l’application, en psychiatrie, du primat de l’expérience vécue et du ressenti. Dans cette perspective, la sophrologie constitue pour moi un outil parmi d’autres que j’ai utilisé pour accompagner mes patients. D’autres outils, comme les traitements médicamenteux, faisaient également partie de mon approche thérapeutique.

Ma vision de la sophrologie est qu’elle représente un outil très efficace mais je ne la désignerais pas spécifiquement comme une discipline autonome. En effet, la sophrologie a largement emprunté ses techniques et ses principes à d’autres domaines. À mon sens, elle ne propose que peu d’éléments véritablement spécifiques. Par exemple, je ne perçois pas de différence fondamentale entre une relaxation, une hypnotisation et une sophronisation de base. C’est le même outil. Les distinctions résident essentiellement dans deux aspects : la finalité recherchée et la personne qui les applique. Ainsi, un sophrologue parlera de sophronisation de base là où un hypnothérapeute évoquera une hypnotisation et un relaxothérapeute, une relaxation.

D’un point de vue phénoménologique, en tant qu’expérience vécue, je ne considère pas la sophrologie comme une philosophie dotée de valeurs intrinsèques ou spécifiques. Pour moi, elle se résume davantage à un ensemble de différentes expériences qu’à une véritable doctrine ou vision du monde.

Au cours de vos années de pratique, avez-vous vu une évolution de la sophrologie ?

À mon sens, l’une des grandes évolutions de la sophrologie réside dans son passage d’un cadre strictement médical à un cadre de bien-être. Lorsque Caycedo a créé la sophrologie, c’était dans un cadre médical bien défini. À l’époque, pour devenir sophrologue, il fallait d’abord être médecin. Bien sûr, il y avait une dimension idéaliste : selon Caycedo, la sophrologie devait apporter le bonheur à l’humanité. Cependant, cette approche était aussi régie par des règles strictes et la pratique de la sophrologie se limitait essentiellement à traiter des pathologies médicales.

Au fil du temps, la sophrologie s’est progressivement ouverte à d’autres domaines. D’abord aux dentistes, spécialistes de la gestion de la douleur, puis aux psychologues, aux kinésithérapeutes et même aux enseignants. Bref peu à peu la sophrologie est sortie du cadre strictement médical. 

Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’appartenir au monde médical pour pratiquer la sophrologie et à mon avis, ce n’est pas un mal. En effet, la sophrologie est avant tout un outil de bien-être et il me semble qu’il n’y a pas que les médecins qui peuvent apporter du bien-être.

Cependant, cette ouverture a entraîné des dérives que Caycedo n’a pas vraiment appréciées.

Ainsi par exemple, certaines sophrologues ont tenté d’ajouter des notions ou des approches, parfois en désaccord avec la vision de Caycedo. C’est pourquoi il a déposé la marque « Sophrologie caycédienne®». 

Parallèlement, Caycedo a fait évoluer sa méthode vers une véritable philosophie de vie. La sophrologie n’était plus seulement un outil de relaxation mais un moyen de cultiver le bonheur de l’humanité à travers la conscience de soi, l’harmonie intérieure et la recherche du bien-être collectif. C’est à ce moment-là que de nombreux médecins, dont moi-même, ont commencé à prendre leurs distances avec Caycedo.

Auriez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans la sophrologie ?

Je lui conseillerais d’abord d’acquérir un diplôme dans un domaine spécifique puis de pratiquer la sophrologie dans le cadre de son expertise. La sophrologie ne doit pas être abordée comme une fin en soi mais plutôt comme un outil au service de son propre domaine d’expertise. On devient un expert dans un domaine précis puis on apprend et on intègre les outils sophrologiques à ce domaine. La sophrologie se résume surtout à de la pratique pas à de grandes théories.

Que diriez-vous à une personne qui n’a jamais testé la sophrologie pour essayer de la convaincre ?

Je ne suis pas un prédicateur et je n’essaie pas de convaincre (rires). Je suis un existentialiste, je ne prône aucune valeur.

Henri Boon et Diana Barthélemy
Henri Boon et Diana Barthélemy

Y a-t-il un sophrologue qui vous a particulièrement inspiré ?

Caycedo, bien sûr ! D’autres sophrologues m’ont également inspiré mais aucun d’entre eux autant que Caycedo. 

Je plaisante souvent en disant que Caycedo est le seul véritable sophrologue. En y réfléchissant, c’est lui qui a inventé le terme « sophrologie » et qui a rassemblé divers concepts venus d’horizons différents pour en faire une sorte de doctrine unique. En ce sens, Caycedo, étant le seul à pouvoir définir ce qu’est ou non la sophrologie, il peut être considéré comme le seul sophrologue et il le restera toujours (rires).

Si vous ne deviez garder qu’un seul des quatre principes de la sophro, lequel serait-ce?

Le principe d’action positive. Il apporte beaucoup de positif mais il n’est pas facile à exercer. Une technique que j’aime beaucoup est la sophro-acceptation positive qui consiste à se projeter dans le futur de manière positive. 

En dehors de la sophrologie, qu’est-ce qui vous plaît ? Qu’est-ce qui vous fait vibrer ?

Tout m’intéresse, absolument tout ! La musique, bien sûr. J’ai joué du saxophone pendant des années et j’avais même mon propre orchestre. Je suis également passionné de cuisine, en particulier de cuisine asiatique. J’ai eu la chance de voyager en Asie, et de découvrir ses différentes traditions culinaires. Je consulte régulièrement des sites spécialisés sur la cuisine asiatique, qu’elle soit japonaise, thaïlandaise, chinoise ou vietnamienne. J’apprécie également l’œnologie et l’art de la table.

Actuellement, mon domaine de prédilection est l’intelligence artificielle. C’est un sujet fascinant et je suis convaincu que cela va transformer de nombreux aspects de notre vie. Cependant, cela soulève également de nombreuses questions. Je remarque qu’il y a souvent une confusion entre intelligence et conscience. En termes d’intelligence, nous avons déjà fait des progrès considérables avec des outils comme ChatGPT et et on progresse de plus en plus vite. Toutefois, le véritable défi réside dans le fait que les ordinateurs, malgré leurs capacités intellectuelles, n’ont pas de conscience. Certains scientifiques pensent qu’il sera possible d’implanter la conscience dans les machines mais à mon avis, l’expérience vécue, l’éprouvé, est difficile à traduire en langage machine. 

De mon côté, je travaille sur ma propre version de l’intelligence artificielle. Ce sera un outil semblable à ChatGPT mais spécifiquement dédié aux neurosciences, permettant de poser des questions pointues dans ce domaine.

Pour terminer sur une note moins sérieuse, êtes-vous plutôt nougat ou plutôt chocolat ? plutôt bière ou plutôt vin ?

Plutôt chocolat et plutôt vin. J’adore déguster un bon vin en bonne compagnie ! 

Henri Boon et Marie Panou
Henri Boon et Marie Panou

Henri Boon est le Président-Fondateur de la SBSR et en cette qualité est membre d’honneur de notre asbl. Nous vous invitons à découvrir un article de nos actualités 2024.


Posté le 14 janvier 2025

Henri Boon
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web.
En savoir plus