L’aphantasie est une question qui touche aux frontières de la neuroplasticité. Peut-on “allumer l’écran” s’il est éteint ? Et cela fait-il de nous de meilleurs ou de moins bons artistes ?
Voici ce que les neurosciences actuelles nous disent sur la plasticité de la visualisation et son impact sur l’art.
Peut-on entraîner son cerveau à “voir” (neuroplasticité) ?
La réponse courte est : Oui mais avec des nuances importantes. Tout dépend si votre “cécité mentale” est totale (aphantasie congénitale) ou partielle (hypophantasie).
1. Le défi de l’aphantasie congénitale
Pour les personnes nées avec une aphantasie totale (le “moniteur” est débranché), les recherches montrent qu’il est très difficile de développer une imagerie volontaire riche. Les voies neuronales reliant le cortex préfrontal (l’intention) au cortex visuel (l’image) sont structurellement différentes ou moins excitables.
Il est donc très frustrant d’essayer de forcer la visualisation. Plutôt que de s’obstiner à “voir”, le cerveau apprend à optimiser ses autres canaux (spatialisation, proprioception).
2. L’entraînement pour les autres (hypophantasie)
Pour ceux qui ont une visualisation floue ou faible, la neuroplasticité fonctionne. Comme un muscle, le circuit de l’imagerie peut être renforcé. Voici deux exercices pour renforcer le circuit de l’imagerie :
- Exercice célèbre : L’Image Streaming (Flux d’images) : Cet exercice, développé par le Dr. Win Wenger, force la connexion entre le cerveau verbal et visuel. Il consiste à demander à la personne de fermer les yeux et de décrire à voix haute (ou dans sa tête) tout ce qui lui passe par l’esprit, même les taches de couleur vagues ou les formes géométriques (phosphènes) .Cette description se base sur une utilisation des 5 sens par exemple : « Je vois une forme grise, c’est rugueux comme de la pierre… ».”
Pourquoi ça marche ? Tout simplement parce qu’en décrivant sensoriellement une perception vague, la personne crée une boucle de rétroaction qui stimule son cortex visuel.
- Exercice de la “Rotation Mentale” : Il consiste à demander à la personne de regarder un objet simple (une tasse), de fermer les yeux et d’essayer de le faire tourner dans son esprit. Si l’image disparaît, il lui est demander de rouvrir les yeux, pour “recharger” l’image et de recommencer. Cela entraîne la mémoire de travail visuelle.
Profils neurocognitifs et créativité artistique
Il existe un mythe tenace qui consiste à penser qu’il faut avoir de l’imagination (visuelle) pour être un artiste. C’est faux !
L’histoire de l’art et les études réalisées chez Pixar (notamment avec Ed Catmull, co-fondateur de Pixar et aphantasique) montrent deux modes de créativité distincts mais également puissants :
1. Le créatif aphantasique ou “Le sculpteur de concepts”
L’aphantasique ne peut pas “voir” l’œuvre finie dans sa tête avant de commencer.
- Son processus créatif consiste en une extériorisation itérative. Il a besoin de poser quelque chose sur le papier ou à l’écran pour le voir. On peut donc dire qu’il “pense en faisant”.
- Sa force : Il n’est pas limité par une image fixe. Il est souvent excellent dans l’abstrait, la structure, la composition et le sens (le message). Comme il ne copie pas une image mentale, son œuvre émerge souvent d’accidents heureux et d’expérimentations.
- Exemple : Glen Keane (animateur de la Petite sirène) est aphantasique. Il dit qu’il dessine pour savoir ce qu’il pense.
2. Le créatif hyperphantasique ou “Le photocopieur d’idées”
L’hyperphantasique voit l’œuvre finie, en couleur et en 3D, avant même de prendre un pinceau.
- Son processus créatif consiste en une transcription. Son principal défi créatif n’est pas l’invention mais la traduction. Il doit avoir la dextérité technique pour reproduire fidèlement ce que son cerveau projette.
- Sa force : Une rapidité d’exécution pour les détails et la lumière. Il peut “tester” des couleurs dans sa tête sans gaspiller de peinture.
- Le piège : La frustration : La réalité sur la toile est rarement aussi parfaite que l’image mentale, qui est idéalisée.
Tableau comparatif art du ses versus art de l’image
| Aspect | Artiste “cerveau visuel” | Artiste “cerveau conceptuel” (aphantasique) |
| Point de départ | Une vision claire intérieure | Une idée, un concept, une émotion |
| Méthode | Essayer de copier sa vision | Essayer, corriger, raturer, reitérer |
| Support | Le support est un miroir de l’esprit | Le support est un laboratoire d’idées |
| Style fréquent | Souvent réaliste, riche en détails visuels | Souvent stylisé, structurel, conceptuel |
Conclusion neuroscientifique
L’absence d’imagerie (aphantasie) n’est pas un handicap pour la créativité, c’est simplement une “configuration système” différente.
- Le cerveau “visuel” crée du dedans vers le dehors (Inside-Out).
- Le cerveau “conceptuel” crée en dialogue avec l’extérieur (Outside-In).
Certains chercheurs suggèrent même que l’aphantasie pourrait favoriser une créativité plus originale parce que le cerveau n’est pas encombré par des clichés visuels préenregistrés (stéréotypes visuels) et doit inventer des solutions nouvelles.
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Amicalement, Henri Boon
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