La théorie polyvagale

Petit rappel …

Les systèmes nerveux orthosympathique et parasympathique sont toujours considérés comme les deux grandes divisions du système nerveux autonome (SNA). Cependant, la notion de leur autonomie totale et de leur fonctionnement strictement indépendant est aujourd’hui nuancée.

Systèmes Orthosympathique et Parasympathique

Le système orthosympathique est associé à la réponse de “lutte ou de fuite”. Il prépare le corps à l’action en augmentant la fréquence cardiaque, la pression artérielle et en détournant le flux sanguin vers les muscles.

Le système parasympathique est associé à la réponse de “repos et de digestion”. Il permet au corps de se calmer, de récupérer et d’économiser de l’énergie en ralentissant la fréquence cardiaque et en stimulant la digestion.

Le concept de “Système vagal”

Parler de système vagal est une approche plus moderne et nuancée. Le nerf vague est le plus important des nerfs du système parasympathique et joue un rôle crucial dans la régulation de nombreuses fonctions corporelles et émotionnelles. 

Le concept de système vagal met l’accent sur les multiples fonctions de ce nerf, allant de la régulation cardiaque à la gestion de l’inflammation et des émotions. Il est devenu central dans la recherche sur la régulation de l’équilibre (homéostasie) du corps et de l’esprit.

Systèmes Autonomes, Autorégulateurs et Autopoïétiques

Pour clarifier ces termes :

  • Système autonome : C’est le terme classique pour désigner le système nerveux qui gère les fonctions involontaires comme la digestion, la respiration ou le rythme cardiaque. Les systèmes orthosympathique et parasympathique en sont les deux branches principales.
  • Système autorégulateur : Ce terme plus large décrit tout système capable de maintenir son propre équilibre (homéostasie) en ajustant ses paramètres. Le système nerveux autonome en est un excellent exemple mais le système endocrinien ou le système immunitaire en sont d’autres.
  • Système autopoïétique : Ce concept, issu de la biologie théorique, décrit un système capable de se produire lui-même en permanence. Une cellule vivante est l’exemple typique d’un système autopoïétique, car elle produit et remplace continuellement ses propres composants tout en maintenant son organisation. C’est un concept plus théorique et fondamental que celui de système autorégulateur, bien qu’il y soit lié.

En quoi consiste les trois modes de la théorie polyvagale ?

L’approche moderne privilégie une vision intégrée, où le nerf vague est souvent mis en avant comme un acteur clé de cette autorégulation, justifiant l’utilisation du terme “système vagal” pour souligner son rôle central.

Pour en revenir au SNA, imaginez votre corps comme une voiture avec trois modes de conduite différents, gérés par un système de sécurité super intelligent qui réagit avant même que vous n’ayez le temps de penser. 

C’est ça, la théorie polyvagale. Elle explique comment votre système nerveux, et en particulier le nerf vague, régule vos réactions face à l’environnement pour assurer votre survie :

Mode “Sûr et Connecté” (le parasympathique ventral)

C’est le mode par défaut. Si vous vous sentez en sécurité, avec des gens que vous aimez, vous êtes calme, détendu, vous pouvez rire et parler facilement. Votre cœur bat normalement et vous vous sentez bien. C’est le mode où vous êtes le plus sociable et ouvert. Pour continuer avec l’analogie de la voiture, vous êtes une voiture qui roule tranquillement sur l’autoroute.

Mode “Alerte et Mobilisé” (le sympathique)

Quand votre système de sécurité détecte un danger (un bruit fort, une dispute), il active ce mode. Votre cœur s’accélère, vos muscles se tendent, et vous vous préparez à vous battre ou à fuir. C’est une réaction de survie rapide. Vous êtes alors une voiture qui met le turbo pour échapper à un danger.

Mode “Figé et Déconnecté” (le parasympathique dorsal)

Si la menace est trop grande ou que les deux premiers modes n’ont pas fonctionné (par exemple, si vous vous sentez impuissant), votre corps passe en mode “shutdown”. Vous vous figez, vous pouvez avoir l’impression d’être absent, engourdi ou de “faire le mort”. C’est une réaction de survie très ancienne, comme celle des proies qui se figent pour échapper aux prédateurs. Vous êtes alors une voiture qui s’arrête complètement pour ne pas être remarquée.

Ce qui est important à comprendre, c’est que votre corps n’a pas besoin que votre cerveau “pense” au danger. Il a un “radar interne” appelé neuroception qui évalue l’environnement en permanence pour savoir si vous êtes en sécurité ou en danger et il change de mode de conduite en une fraction de seconde.

Débat sur la théorie polyvagale

La théorie polyvagale est encore très utilisée aujourd’hui, notamment dans les thérapies qui s’intéressent aux traumatismes et aux émotions. Elle aide à comprendre pourquoi une personne peut réagir de manière excessive à certaines situations, même si elles ne semblent pas dangereuses et comment on peut l’aider à retrouver un sentiment de sécurité.

Cependant, comme toute théorie scientifique, elle est aussi sujette à des débats et des critiques. Certains scientifiques ont remis en question l’ordre d’évolution des trois modes de survie. Malgré ces critiques, le modèle des trois états (sécurité, alerte, figement) et le concept de neuroception restent des outils précieux et largement utilisés pour expliquer nos réactions corporelles et émotionnelles. C’est une façon de voir le corps non plus comme une machine qui se détraque, mais comme un système intelligent qui a ses propres logiques de survie.

Les débats et les critiques autour de la théorie polyvagale se concentrent principalement sur deux aspects :

La base phylogénétique (l’évolution) 

Le créateur de la théorie, Stephen Porges, a proposé que le système nerveux se soit développé en trois étapes distinctes, correspondant aux trois états (le vagal dorsal chez les reptiles, le sympathique chez les mammifères primitifs, et le vagal ventral chez les mammifères sociaux). Cependant, des études scientifiques récentes ont remis en question cette “hiérarchie” évolutive. 

Des physiologistes et des neuroscientifiques affirment que les deux branches du nerf vague (ventrale et dorsale) fonctionnent souvent de manière plus intégrée et moins séquentielle que ce que suggère la théorie initiale de Porges. En d’autres termes, la division stricte et l’ordre d’apparition des trois systèmes sont en cours de réévaluation par la communauté scientifique.

Le découpage fonctionnel du nerf vague en deux branches distinctes

La seconde critique concerne la distinction nette entre les branches dorsale et ventrale du nerf vague.

Selon la théorie polyvagale, chacune de ces branches aurait des fonctions comportementales et physiologiques bien séparées (la dorsale liée à l’immobilisation, la ventrale à l’engagement social).

Cependant, les études scientifiques disponibles montrent que ces deux branches sont moins distinctes dans leur fonctionnement qu’on ne le pensait. Leur activation est souvent simultanée ou intégrée et il est difficile, dans la pratique, d’attribuer des réponses spécifiques à l’une ou l’autre de manière isolée.

Le modèle alternatif d’intégration neuroviscérale.

Face à ces critiques, un modèle plus récent est souvent proposé comme alternative pour expliquer les interactions entre le système nerveux et le comportement : le modèle d’intégration neuroviscérale. Ce modèle ne se base pas sur l’évolution pour expliquer les différents systèmes. Il se concentre plutôt sur la manière dont le système nerveux autonome (qui gère les fonctions inconscientes comme le rythme cardiaque ou la respiration) interagit avec le système nerveux central (le cerveau) pour influencer nos émotions et nos comportements, en particulier en situation de stress.

Bref, bien que les principes pratiques de la théorie polyvagale, le lien entre le corps et les émotions, l’importance de la sécurité et des trois états de réponse (sécurité, combat/fuite, figement) restent des concepts très pertinents et largement utilisés en psychothérapie, la validité de sa base évolutive est sérieusement remise en cause par de nouvelles données scientifiques.

Si la théorie polyvagale donne une histoire simple et puissante pour comprendre comment on réagit au danger (notre “radar”), le modèle d’intégration neuroviscérale est une approche plus technique qui s’attache à décrire les mécanismes neurologiques et physiologiques précis (la “mécanique” du radar) qui sous-tendent ces réactions. Il est considéré par de nombreux chercheurs comme une alternative plus robuste sur le plan scientifique pour expliquer le lien entre le cerveau, le cœur et la régulation émotionnelle.

Devinez lequel a ma préférence ?

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Amicalement, Henri Boon


Par Henri Boon
Président fondateur de la Société Belge de Sophrologie et de Relaxation.

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Posté le 2 octobre 2025