Pour celles et ceux qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Philippe Drabs, je suis médecin et sophrologue. Je suis né à Yangambi en RDC en 1954. Un peu avant les évènements de 1960, nous sommes revenus en Belgique parce que j’allais rentrer à l’école primaire et que mes parents préféraient que j’entame ma scolarité en Belgique.
Je suis fils unique. Mon père était comptable et dès son retour en Belgique, il a validé une licence en économie, à l’Université de Louvain. Ma maman avait un diplôme en couture. Elle a travaillé avant ma naissance puis comme beaucoup de femmes à l’époque, elle a totalement arrêté ses activités professionnelles pour s’occuper de sa famille.
Mon parcours
J’ai fait des études de médecine à l’ULB et je me suis spécialisé en médecine interne. J’ai pratiqué pendant une dizaine d’années, tant en hôpital qu’en cabinet privé mais je ne me voyais pas continuer comme ça pendant 40 ans (rires).
Quand une place s’est libérée aux Mutualités Libres dans l’équipe de direction, j’ai sauté sur l’occasion. J’y ai occupé divers postes, pendant 14 ans, jusqu’à devenir médecin directeur.
À cette époque, en parallèle de mes fonctions de directeur, je me suis lancé dans des études de management et coaching, à l’ICHEC. Par la suite, je me suis aussi formé à la PNL.
Comme souvent dans ce type de formation, j’ai beaucoup travaillé sur moi-même et sur mes valeurs. C’est ainsi que j’ai pris conscience que les valeurs du Directeur Général des Mutualités Libres ne correspondaient plus aux miennes. J’ai donc démissionné sans aucun plan B. Avec le recul, j’avoue que c’était assez téméraire mais j’ai eu la chance d’être repris comme coach interne par une société d’informatique. J’y ai travaillé pendant deux ans. Je suis également, en parallèle, retourné dans le milieu médical : le contact humain me manquait. Là encore, j’ai eu beaucoup de chance parce que le Centre de Traumatologie et de Réadaptation (CTR) d’Érasme, où j’avais travaillé au début de ma carrière, m’a proposé un poste, après un arrêt de 14 ans.
D’un point de vue plus personnel, je suis marié, ma femme est chirurgienne, j’ai deux filles, toutes les deux ont une formation dans le domaine de la santé.
Comment passe-t-on de médecin à sophrologue ?
Quand j’ai commencé à travailler dans le coaching, j’ai ressenti le besoin d’avoir un outil pour pouvoir me détendre. J’en ai parlé à ma fille, Caroline, et nous nous sommes lancés ensemble dans l’aventure de la sophrologie, en nous inscrivant à L’École belge de Sophrologie Fondamentale et Relaxation (EBSFR).
Durant ma formation, j’ai réalisé que si la sophrologie pouvait m’être utile, elle pouvait aussi être mise au service de mes patients et de leur famille. J’ai donc rapidement appliqué la sophrologie avec eux. Comme plusieurs de mes collègues du CTR avaient aussi été formés à la sophrologie et que les demandes étaient de plus en plus nombreuses, nous avons essayé d’officialiser sa pratique. Dans un hôpital universitaire, nous ne pouvions pas proposer n’importe quoi. J’ai donc fourni à notre hiérarchie un dossier scientifique prouvant, non pas les bienfaits de la sophrologie, mais des outils qu’elle utilisait et qui avaient, déjà à l’époque, fait l’objet d’une validation scientifique. C’est ainsi que nous avons eu le feu vert pour l’utiliser officiellement au CTR.
Lorsque j’ai pris ma retraite, j’y ai continué mes consultations pendant plusieurs années jusqu’au moment où j’ai déménagé à Wépion. Je me suis aussi lancé avec l’aide d’Eric Medaets et Caroline, dans l’écriture d’un livre “Sophrologie en réadaptation neurolocomotrice”. Je fais actuellement moins de sophrologie pratique mais mon réaménagement namurois avançant, je vais m’y remettre très probablement.
Parlez-nous de votre pratique de la sophrologie
Je crois qu’il est important de pratiquer la sophrologie dans son propre domaine d’expertise. Je suis médecin, j’ai donc toujours utilisé la sophrologie dans le cadre médical. Comme je travaillais au CTR, je me suis tout naturellement focalisé sur des personnes en rééducation neuro-locomotrice.
J’ai ainsi adapté les techniques fondamentales de la sophrologie aux besoins de mes patients. J’ai par exemple travaillé en binôme avec des kinés, des ergothérapeutes ou des (neuro-) psychologues afin de préparer le patient à la séance de kiné, ergo ou de psychothérapie. Ça a donné de très bons résultats !
Si je n’avais pas été médecin, je me serais peut-être dirigé vers d’autres domaines d’expertise. Je pense que la sophrologie est très utile dans l’enseignement. Si j’avais travaillé dans ce domaine, j’aurais certainement aimé inclure des pratiques de sophrologie dans mes cours. De la même façon, la sophro peut apporter beaucoup de bien-être aux personnes âgées. C’est aussi une piste que je n’ai pas eu l’occasion d’explorer mais je l’aurais testée avec grand plaisir.
Au cours de vos années de pratique, avez-vous vu une évolution de la sophrologie?
Ce qui me frappe surtout, c’est l’évolution dans la manière d’enseigner la sophrologie. Aujourd’hui, certaines écoles enseignent la sophrologie en quelques mois ou même à distance. Cela me laisse perplexe. Il en va de même pour tous ces livres de sophrologie qui vous présentent des séances « prêtes à l’emploi », comme si c’était de simples recettes de cuisine. Le travail du sophrologue consiste à tenir compte de la réalité objective de son sophronisant pour lui proposer des séances parfaitement ajustées à ses besoins. L’adaptabilité est au cœur de la sophrologie, il ne faudrait pas l’oublier !
Une autre évolution que j’ai remarquée, c’est une « psychologisation » de la sophro. D’une part, des sophrologues sans aucune formation en psychologie utilise la sophrologie comme des thérapeutes qu’ils ne sont pas. D’autre part, et je l’ai surtout constaté en France, les interventions dans les divers congrès/réunions de sophrologie (à l’exception, semble-t-il, du futur congrès 2024 de la SFS) sont très majoritairement dans le domaine de la psychologie et de la philosophie … À mélanger psychologie et sophrologie, on en oublierait l’importance du corps !
La sophrologie et la psychologie sont deux choses bien distinctes. Chacune apporte une forme d’aide aux patients mais il ne faut pas les mélanger ou pire les confondre. La sophrologie peut s’appliquer à de nombreux domaines très éloignés de la psychologie. Je pense par exemple au sport, à la médecine, à l’aide d’urgence, à l’enseignement, aux personnes âgées,…
Auriez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans la sophrologie ?
Oui ! Je lui dirais de ne pas espérer en faire son métier (rires). Non plus sérieusement, je ne crois pas que la sophrologie soit rentable. Je conseillerais plutôt à une personne qui désirerait se lancer dans la sophrologie de le faire dans le cadre de son propre travail, comme j’ai eu la chance de le faire.
Pour développer une clientèle privée en dehors de son propre cadre professionnel, je pense vraiment qu’il faut être doté d’un esprit d’entrepreneur et être capable de se vendre. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Puisque vous parlez de « vendre » la sophrologie que dire à une personne qui ne l’a jamais testée pour essayer de la convaincre ?
Je lui dirais : « L’essayer c’est l’adopter ! » (rires). Pour parler franchement, je présente toujours la sophrologie à la fois comme une philosophie de vie et comme une formidable boîte à outils. En ce qui concerne la philosophie, on la prend ou on ne la prend pas. Par contre, les outils proposés par la sophro, comme activer le positif ou être dans son corps, sont vraiment très utiles dans la vie de tous les jours.
De plus, contrairement à d’autres techniques, en sophrologie, il n’y a pas de surprise. En effet, le sophrologue explique tout ce qui va se passer avant de commencer sa pratique. Il demande au sophronisant son accord sur ce qui lui est proposé et ils débriefent ensemble après la séance. La communication avec les patients est un élément central et une valeur intrinsèque de la sophrologie. Elle est véritablement à la base de l’alliance sophrologique. Alors bien sûr, pendant la séance, la personne se retrouve dans un état modifié de conscience mais elle peut en sortir quand elle le veut et elle le sait.
Y a-t-il un sophrologue qui vous a particulièrement inspiré ?
Il y en a plusieurs ! Bien évidemment il y a Eric Medaets, c’est lui qui m’a formé et par la suite, nous sommes devenus amis.
Côté français, je dirais Richard Esposito, parce que j’ai eu beaucoup de contacts avec lui et que je le connais bien. J’aime à la fois ses livres et ses exposés qui sont toujours très clairs. Je trouve qu’il a une approche très ouverte de la sophrologie. Pour la petite histoire, j’ai invité Richard à faire une intervention en Belgique et c’est grâce à moi qu’Éric et lui sont devenus amis.
Si vous ne deviez garder qu’un seul des quatre principes de la sophro, lequel serait-ce?
C’est une question très difficile ! Chacun des quatre principes me paraît fondamental. Si on n’est pas dans son corps, on ne fait pas de la sophrologie. Le principe d’action positive est aussi très important, surtout pour moi, qui suis plutôt de nature pessimiste (rires). Mais si je ne pouvais garder qu’un seul principe, ce serait celui de réalité objective parce que si on reste dans ses croyances, ses a priori, cela peut être très limitant et induire des biais cognitifs. Nous avons besoin d’avoir ce recul avec une conscience aussi claire que possible de la réalité objective (même si elle ne l’est jamais totalement).
Pour terminer sur une note moins sérieuse, êtes-vous plutôt nougat ou plutôt chocolat ? plutôt bière ou plutôt vin ?
Plutôt chocolat et bien sûr plutôt bière je suis Belge !! mais pour être tout à fait honnête, j’aime également le bon vin !